Démocratie dans l'entreprise, pouvoirs et responsabilités
L'équilibre des pouvoirs entre parties prenantes
dans l'entreprise : du cas par cas
La participation aux décisions d'entreprises des diverses parties
prenantes (investisseurs, personnel et toutes autres entités concernées)
est à rechercher.
Mais if faut tenir compte des particularités de chaque entreprise
et admettre qu'une démocratie en ce domaine ne peut être
complète, totalement équilibrée, participative et transparente.
Cela dit, des modes efficaces d'information et d'expression
des parties prenantes sont à développer.
Définition et enjeux
Que ceux qui sont concernés lèvent la main !
La démocratie dans l'entreprise, autrement dit une
participation des diverses personnes concernées aux
décisions est une très bonne question, merci de l'avoir posée.
Ce qui la complique c'est qu'on ne peut guère l'organiser sur le même
modèle qu'en politique (*),
(*) par exemple selon un système de majorité des "citoyens",
qui seraient dans ce cas définis comme les personnes ayant
un rapport avec ce que fait l'entreprise.
Cela dit, même en politique, les meilleures démocraties
donnent-elles une participation vraiment optimale ?
Alors, avant de penser aux systèmes possibles et de passer pour
l'inventeur socio-institutionnel ayant trouvé "the solution" ...après
bien des sociologues de renom (*) qui en ce domaine comme en
d'autres se sont cassés les dents par idéologie réductrice, il importe
d'identifier les groupes d'acteurs et / ou de parties prenantes
concernés par ce que fait l'entreprise.
(*) on rejoint là le drame classique du gourou jouant les experts
sans expérience de terrain du sujet.
Alors, qui sont ces acteurs et parties prenantes ?
Ces "populations" sont très hétérogènes, avec des poids objectivement différents sur l'avenir de l'entreprise et des intérêts rarement tout à fait compatibles, bien qu'en partie communs. |
Difficile donc de leur donner une carte d'électeur similaire.
Voici en effet de qui il s'agit:
Les clients.
Ce sont les rois, comme on dit au sens figuré, disons plutôt ceux qui
ont le bulletin de vote.
C'est la population la plus vitale pour justifier l'existence même
de l'entreprise. Ils sont souvent eux-mêmes très divers, et
utilisent très différement ce qu'apporte l'entreprise.
En plus, ils votent déjà en achetant ou non (eh oui, même les
non clients votent dans ce scrutin !).
Certes, certaines entreprises sont en situation de force par rapport
à leurs clients (rente) mais cela ne les exonère pas de vouloir les
satisfaire au mieux pour ne pas perdre leur "ascendant" sur eux.
Ben oui, un privilège peut un jour perdre sa légitimité et alors le
bénéficiaire peut ne pas y survivre.
Surtout, toute tentative de maintenir une position dominante par
des manoeuvres anti-concurrentielles porte atteinte, cela va plus
loin que la démocratie d'entreprise, à la démocratie économique.
Le personnel.
La vie de tous les jours, ainsi que l'avenir, de beaucoup des employés
sont le plus souvent étroitement liés à l'entreprise. Toutefois emploi
à vie et carrière interne sont, dans un monde complexe et mouvant,
des notions qui s'effilochent
Cela cause une certaine démotivation pouvant faire mal augurer
de l'avenir d'une entreprise qui n'y prend pas garde. Une meilleure
participation du personnel à certaines décisions ne peut être qu'un
facteur positif.
Là aussi, il y a des asymmétries entre les "stars" (créateurs,
expertsexclusifs, traders, joueurs-vedettes de football) dont les
talents sont un facteur clé de performance de l'entreprise et le
reste du personnel traité généralement de façon disons plus
...ordinaire.
Les managers.
Dans ces systèmes de plus en plus complexes que sont les entreprises,
les managers sont plus ou moins le pivot de la "gouvernance",
l'interface de coordination entre les intérêts des diverses parties
prenantes sans oublier ...leur propre intérêt.
Certains sociologues, friands de la notion de classes, voient les
managers de très haut niveau (il y a une gradation entre les
managers) comme une classe dominante de "super-technocrates",
qu'on retrouve aussi dans l'administration publique.
Les investisseurs et prêteurs.
Ben oui, sans argent, on ne va pas loin ! Et ce qui est le plus précieux,
c'est celui qu'apportent de façon stable les actionnaires, indispensable
pour financer une bonne part des investissements en moyens de
production.
En ayant prise sur le robinet des fonds, et en assumant le risque
de les engager dans l'activité de l'entreprise, ils gardent bien entendu
un très grand pouvoir, même s'il est un peu dépersonnalisé quand ce
financement passe par le grand public et des organes de marché
(fonds d'investissement).
Hé oui, comme disait quelqu'un, et c'est heureux, le public est (dans
les pays libres) plus riche que M. de Rothshild (ou dans les régimes
collectifs le nomenclariste du coin).
Un changement de majorité dans le capital ne peut guère être
contesté par les autres parties prenantes même si les conséquences
peuvent être décisives pour celles-ci. Encore faut-il que la nouvelle
majorité ait du respect pour celles-ci sinon sa légitimité peut être
mise en cause dans de graves conflits.
Les partenaires, fournisseurs, sous traitants, etc.
Une entreprise moderne vit "en réseau" avec d'autres entités
dont certaines peuvent avoir un rôle critique.
En particulier le principal donneur d'ordre peut avoir un grand
pouvoir technique et économique.
Les populations et institutions de ses lieux d'activité.
Ils sont concernés par des retombées bonnes ou mauvaises, de
celle-ci ("externalités" disent les économistes), et aussi ...aux
contributions fiscales et sociales de l'entreprise en monnaie
sonnante et trébuchante.
Mais bon, n'allons pas jusqu'à faire voter toute la galaxie !
Tout cela forme dans la pratique un réseau complexe de dépendances /
pouvoirs / contrepouvoirs.
La réponse dépend fortement du types d'entreprises
L'approche de la question (la problématique pour parler chic)
"Une entreprise peut elle être démocratique?",
dépend du type d'entreprises.
Et là il y a une très grande variété de cas:
Différences de détention du capital
C'est un aspect déterminant. Sur ce plan une entreprise peut être:
(à capital soit fermé entre quelques participants, soit ouvert
à l'épargne publique et coté en bourse)
(de clients, de salariés, de fournisseurs...), impliquant
statutairement leurs acteurs directs dans les décisions et dans
le partage des résultats.
Cette formule très attachante, souvent performante, doit avoir
sa part dans le paysge économique.
Mais elle se complique à partir d'une certaine taille (du fait des
capitaux nécessaires) ou extension géographique (quand le
sentiment de proximité est important).
(étatisée ou régionalisée / municipalisée).
Le rôle des autres fournisseurs de moyens financiers (prêteurs)
peut aussi être critique si les activités de l'entreprise exigent beaucoup
d'argent (liquidités à court terme et capitaux à long terme).
Différences sur d'autres caractéristiques
économiques et sociales
Le poids de chaque groupe de participants (les parties prenantes
citées plus haut) diffère selon
* ces types d'entreprises,
* la position de chacune dans le circuit économique
* les "apports" de chacun de ces groupes qui contribuent à son existence .
Autrement dit selon le "modèle économique" ou "modèle d'affaire"
propre à l'entreprise.
Une entreprise peut en effet être:
ou émietté (nombreuses entreprises similaires)
Avec ou non un leadership sur le marché ou la niche
Ou "en réseau", "en filière" (chaîne de nombreux sous- traitants ou partenaires), mode "d'entreprise étendue".
La mondialisation des communications et transports favorise ce maillage où chaque contributeur peut tirer le meilleur bénéfice économique de ses propres atouts. Il peut à l'inverse être menacé par des tentations protectionniste. |
Ou "de main d'oeuvre" (personnel nombreux),
Voire dépendante d'un certain nombre d'acteurs très qualifiés
mentionnés plus haut, notamment des "vedettes" (trading,
design, haute technologie, sport, spectacle).
Voir l'article sur le dosage des facteurs de production et de
valeur
Conséquence sur les équilibres
de pouvoirs et d'intérêts
L'appartenance à telle ou telle de ces catégories d'entreprises ci-dessus
joue fortement sur la façon de prendre des décisions, tant
celles qui engagent l'avenir de l'entreprise que la multiplicité de celles
intervenant dans sa vie quotidienne
Le dosage entre les "parties prenantes"
Cette diversité fait que les équilibres de pouvoir, les contraintes pratiques
etéconomiques et leur "gouvernance" diffèrent d'une entreprise à l'autre.
Il y a notamment des différences dans le partage de la valeur
ajoutée entre les diverses parties prenantes car les poids de leurs apports sont différents (par exemple une industrie avec des
équipements lourds et très automatisée exige d'énormes capitaux par
rapport au nombre de salariés).
Les entreprises affirment souvent veiller à ce qu'on appelle leur
"responsabilité sociale" en tant que "entreprises citoyennes".
Mais ces slogans supposés bien intentionnés ne leur font pas oublier
qu'elles restent avant tout des entités de production, devant assurer
cette mission le mieux possible et en évitant de nuire, et non des
organismes de bienfaisance, voire des sectes se targuant d'apporter le
bonheur et la lumière au monde. Aaargh !
C'est dans cet esprit d'équilibre que le dosage et l'articulation des
facteurs de production et de valeur, et le choix d'objectifs appropriés
doivent être pris en compte dans l'organisation, la gestion et la
"gouvernance".
Donc penser au pouvoir de
tous les types de partenaires !
La démocratie dans l'entreprise est souvent traitée comme simplement la
façon dont est associée le personnel aux décisions.
C'est un peu oublier que se pose aussi celui des autres partenaires,
notamment:
Les clients
Nous en avons déjà parlé,
et nous y revenons plus loin, on y tient à ceux là ;-)),
leur pouvoir est souvent insuffisant de ceux-ci sur le conseil
d'administration lui-même souvent peu enclin à brider des
managers dominateurs ...et éventuellement surpayés),
(les fameuses "externalités" positives et négatives sont un thème
économique de plus en plus important, cela parfois à l'échelle
mondiale (déréglements climatiques, risque économique
systémique), mais aussi avec un poids pouvant être important
dans l'économie locale ou d'un pays)
Concilier démocratie et objectifs de survie ?
Dans le cas le plus courant, il apparaît que le respect des clients est le
sommet de la pyramide des objectifs, ce sont d'eux que dépend avant
tout la survie de l'entreprise (sans négliger aussi les apporteurs de fonds).
Cela bien entendu si l'on considère que le but viscéral
d'une entreprise est de survivre (c'est généralement le but de toute institution que celle ci soit
utile, c'est le cas général, soyons positifs) ...ou parasitaire voire
nuisible.
Cette "contrainte" limite les latitudes des partenaires et notamment
leurs possibilités de choix.
Les clients sont largement maîtres du jeu car ils peuvent le plus
souvent trouver une autre source pour s'approvisionnr quand l'entreprise
remplit mal ses fonctions.
Une possibilité certes réduite s'il y a monopole sur une activité économique
répondant à un besoin incontournable. Mais un monopole est il vraiment
une "entreprise" ?
On peut se demander d'ailleurs si certaines entreprises, (et autres
institutions humaines), qui sont ancrées, figées, engluées dans leurs
rites, codes, habitudes, règles, conflits de pouvoirs et multiples contraintes
de gestion courante, n'oublient pas de vérifier quel est leur vrai but et / ou si ce but a un sens face à leur environnement
économique actuel (et surtout celui prévisible), tout en pensant pouvoir
survivre quand même ;-)
Pas simple, la démocratie dans l'entreprise, il faut commencer par définir
à quoi l'entreprise doit servir et si elle est apte à le faire.
Et identifier qui peut participer à cette définition.
Un autre point qui réduit les latitudes de participation aux décisions est le
besoin souvent d'agir vite (mais méfions-nous de la précipitation
comme seule règle de prise de décision) et parfois de façon discrète
(questions de concurrence...).
=> Voilà qui limite quelque peu le débat démocratique (et pas seulement
au niveau de l'entreprise, le problème se pose aussi dans l'action
politique)
Alors, quelle démocratie ?
Et quel pouvoir, quelle responsabilité ?
Manifestement il n'y a pas une seule réponse à cette question de la
démocratie dans l'entreprise.
Cela dit il est nécessaire qu'une entreprise:
de tous les groupes formant ses parties prenantes,
le maximum d'humanisation et de latitudes
de son fonctionnement et de sa situation
des parties prenantes.
Pour autant il ne paraît guère possible qu'une entreprise devienne un
centre de démocratie au sens où on l' entend pour les entités politiques.
Même pour celles-ci, nous venons de le voir, ce n'est pas toujours
compatible avec les contraintes de l'action, il faut bien que les
responsables sachent prendre ...leurs responsabilités.
Mais ils doivent éviter pour autant la dérive qui guette tout
détenteur de pouvoir : le narcissisme, un travers
comportemental qui peut lui donner la sensation quasi divine
que tout leur est permis.
Question parallèle :
à qui appartiennent les entreprises ?
Pour les entreprises individuelles ou familiales, aux propriétaires
identifiables, la réponse naturelle à cette question est : à ces détenteurs
du capital.
Par ailleurs les mutuelles et coopératives comme on vu plus haut, sont
la propriété de leurs clients, leurs fournisseurs (exemple des agriculteurs
ayant leur coopératives) ou de leurs salariés.
Les entreprises publiques, elles, appartiennent à un Etat, une
municipalité....
En pouvant, hélas, être en réalité au service corporatiste de leur personnel
et de leurs hauts responsables alors que c'est dans celles-ci précisément
que le contrôle démocratique devrait être maximum.
Reste le cas des grands groupes d'entreprises à statut capitaliste.
Leurs actions sont cotées sur les marchés et/ou détenues par des
institutions financières.
Leur capital est donc ouvert à des investisseurs. Il s'agit tant de particuliers - détenteurs de patrimoines importants et épargnants plus modestes - qui placent ainsi leur argent pour un
temps plus ou moins long, que d'organismes financiers.
Cet ensemble d'actionnaires se décharge de la gestion de l'entreprise sur
des cadres de direction (ce que les économistes appellent la relation
"principal - agent"),
Ce côté désincarné fait que certains revendiquent que les propriétaires
réels soient les salariés puisque ceux-ci font "tourner la boîte".
N'épiloguons pas sur la doctrine politique anti capitaliste sous-jacente,
sauf à rappeler à quoi ont mené les systèmes se voulant alternatifs.
Sur le simple plan pratique, cette OPA salariale ne parait guère concevable
dans des entreprises qui doivent mobiliser de gros capitaux
pour financer développement rapide ou dans avoir une force de frappe
dans des secteurs "lourds" .
Si de plus l'application s'étendait aux entreprises publiques, dans cette
optique collectiviste il n'y aurait pas de raison de les en exclure, elles
n'appartiendraient plus aux citoyens mais à leur personnel, généralisant
une tendance corporatiste, mentionnée plus haut, parfois observée chez
certains de ses membres.
Par contre une certaine association des salariés à la gestion et bien
sûr aux résultats est souhaitable, comme indique le chapitre "Alors,
quelle démocratie?" de cet article.
Rappelons enfin, que dans la mesure ou règne une véritable concurrence,
le client est au final le maître du destin de l'entreprise, celle ci
n'ayant d'autres justification que d'apporter des produits et services
appréciés par celui-ci.
Dernier point, ce qu'on appelle
"responsabilité sociale de l'entreprise" est à double tranchant.
La pousser trop loin donnerait trop de pouvoir aux entreprises
sur la société, une entorse à la démocratie.
Déjà que la société et ses institutions tendent parfois de leur côté à
corseter les citoyens (voir l'article Yin yang et curseur 67-33 en
économie).